Si la Provence m’était contée
Chapitre II
Les trois sorcières
Librement inspiré d’une histoire vraie
En ces temps d’épidémies, de famines et de guerres sans fin, on a toujours besoin de trouver des boucs émissaires.
L’histoire que je vais vous raconter aurait pu se passer il y a longtemps ou encore aujourd’hui. Et on est pas à l’abri qu’elle ne se reproduise encore.
Un petit village tranquille
Dans un tout petit port de pêche au bord de la Méditerranée, vivent deux femmes et leur servante.
On les appelle Donne Figonnière, Donne Tripière et Grosse Coiffe.
Depuis qu’elles sont seules, on a tout fait pour oublier leurs noms.
Elles vivent modestement de leurs maigres récoltes.
Elles ne vont plus au village, sauf pour vendre quelques herbes des collines.
Leurs hommes ? Cela fait longtemps qu’ils ne sont plus rentrés à la maison.
Un beau matin, ils sont partis à la pêche et ils ne sont jamais revenus.
Perdus en mer certainement, comme beaucoup.
Certaines mauvaises langues affirment les avoir vus du côté de Marseille, faisant une nouvelle vie… allez savoir.
Quoi qu’il en soit, c’est certainement de la faute de leur femmes s’ils sont partis.
C’est ce qu’on dit au village.
C’est que, quand on leur demande, on n’aime pas les deux sœurs qui guérissent les malades avec les herbes des collines.
Trois femmes seules ? c’est sûr, ce n’est pas très bon.
Très vite les rumeurs commencent
On dit qu’elles jettent des sorts à distance.
Donne Figonnière, un jour agacée des moqueries du pêcheur Barnabus, elle lui jette un sort, du coup le bébé du pêcheur ne mange plus.
C’est sûr: c’est une sorcière !
Donne Tripière élève des chats matagots.
C’est à cause de ces chats du diable que le raisin ne mûrit plus et sèche sur son pied.
La Grosse Coiffe, la servante, a jeté un sort au voisin et dix de ses poules en sont mortes. Il faut appeler un contre-sorcier pour que cela s’arrête.
Aussitôt la population s’emballe.
Être accusé de sorcellerie en ces temps-là, ça met la machine en route rapidement.
Arrestation, jugement vite plié et condamnation.
Le bûcher est déjà prêt.
Il faut dire qu’après le procès en sorcellerie du curé de Marseille, les cas de « possédés par le diable » ont augmenté dans la région.
Persécutés, traquées, les trois femmes sont arrêtées, finalement, à Ollioules où elles se sont cachées dans une grotte. Elles sont ramenées au village et jugées à la hâte.
On arrive de tout le pays pour voir l’exécution. Même d’Aix-en-Provence, les notables se sont déplacés.
La foule s’amasse pour voir les trois sorcières mises à moitié nues sur le parvis de l’église. Ensuite, on les amène en procession jusqu’au lieu du supplice.
Le bourreau est arrivé de Marseille : il vérifie les garrots, pend les trois femmes et allume le bûcher.
Qui peut, aujourd’hui, dire de quoi elles étaient coupables ?
Cassis 1614
Lidia Salazar pour Provence Buissonnière
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